Quelque 130 kilos, 1,72 mètre de haut, 1,50 mètre de tour de hanches, et des soutiens-gorge «double D» : aujourd'hui, Velvet s'aime.
L'inverse d'il y a vingt ans, quand elle était mannequin à New York. «C'était les eighties, la cocaïne. On n'était pas maigre, on était plus que maigre. Je crevais littéralement de
faim, puis je reprenais du poids, comme un yoyo détraqué. On martyrisait nos corps, on les détestait... J'ai tenu comme ça jusqu'à 25 ans. C'est alors que j'ai commencé à aller dans les musées,
j'y ai découvert des gens qui s'extasiaient sur les Rubens. Et là, j'ai compris...» Aujourd'hui, elle estdevenue une des figures parisiennes de la «Size», le versant mal connu et
branché de l'obésité, un monde de militantes exubérantes qui tentent de vivre leur taille non comme une maladie mais comme un état. Nom de code : BBW. Big beautiful women. Avec ses
sous-catégories : les plumpers (franchement rondes mais pas encore énormes) et les SSBBW (super size big beautiful women, au-dessus de 140 kilos). Et puis aussi leurs amis
masculins, les FA (fat admirors, les admirateurs de grosses), les BBM, big beautiful men, et les big bears, les gros nounours, dans la version homo. Un petit monde de
réseaux, de connexions, relié par l'Internet et par une solidarité de minorité. L'obèse n'est en général médiatisé que pour plaindre sa solitude, sa mauvaise santé, la malbouffe, ou plonger avec
lui dans les affres de la dépression.
Elle, Velvet, crinière châtain, la bouche recouverte d'une peinture rose et brillante, brandit la joie comme un étendard. «Je suis une grosse. Et alors ? Je n'ai pas
peur du mot. Reprendre les mots, c'est reprendre le pouvoir. Comme les homosexuels qui se revendiquent pédés. Quand on me dit : "Tu es grosse", ça me fait le même effet que si on me
disait : "Tu as les yeux bleus."»
Elle a les yeux bleus. Velvet est née il y a trente-neuf ans à Rochester, Etat de New York. Petite fille ronde (mais pas plus
que ça) dans une famille qui ne l'est pas, un père contrôleur financier, trois frères et soeur, elle veut être mannequin, tente sa chance à New York, puis débarque à Paris, il y a onze ans, en
suivant un homme. Depuis, ce sont les hommes qui la suivent.
Protégeant son identité («J'ai dix mille contacts dans mon compte Yahoo et certains sont suffisamment dingues pour ne plus vous lâcher»), elle se revendique «artiste» et boucle ses fins
de mois en faisant la nounou-sitter à plein temps pour des gens pas gros mais très riches. Pour le reste, elle étale tout : chairs et pensées, combats et rires. En terrasse des cafés, elle
est assise à la première table, nécessairement.
Miss Plump Universe en 2001 (un concours de beauté on-line pour femmes grosses mais néanmoins fatales), la petite fille ronde de Rochester est
l'année suivante sur la scène du Palais de Chaillot dans un spectacle de danse, Kadavresky, où elle joue une ogresse végétarienne.
Depuis, elle multiplie les performances. Prend des photos et la pose. Monte un site Internet. Et réalise des petits clips dans le plus pur style «new burlesque», cet art du gogo
dancing décalé et kitsch remis au goût du jour par des gens comme le couple sulfureux Dita von Teese-Marylin Manson. Qu'elle a eu le plaisir de découvrir dans le public du défilé John
Galliano auquel elle a participé l'an dernier. Le créateur avait réquisitionné des mannequins hors normes, nains, géants, vieux, gros... Tollé dans le milieu de la mode. «Pourtant, si on y
réfléchit, on ressemble bien plus aux gens normaux que ceux que l'on voit d'habitude défiler sur les podiums, anorexiques et prépubères.»
Dans la foulée, Vogue consacre à l'aventure un reportage photo intitulé «Freaks et chic». «Voilà ce qu'on était : des monstres bien maquillés, mais bon...» D'une petite
moue dédaigneuse, Velvet écarte pour l'énième fois une pensée potentiellement négative, pour ne garder de la vie que sa paroi glamour. Sous le fond de teint, les cicatrices ne sont pas tout à
fait refermées.
«Il y a Velvet, un personnage très extravagant, exhibitionniste, explique son ami et danseur
Cyril David qui monta avec elle en 2003 Vénus Pénis Production, et puis il y a la personne privée, à la fois vulnérable et protectrice.
Elle me fait penser aux mammas noires : c'est quelqu'un sur qui tu peux te poser, littéralement. »
Hors normes, les femmes obèses sont écartelées entre le «reste chez toi et cache-toi» et la pornographie distillée sur le Net comme une déviance
sexuelle.
Tapez «grosse femme» sur Google : bienvenue dans le monde étonnant d'un amour interdit, trash et crado. Qui hésite entre fétichisme et sadomasochisme, avec les feeders, dont le truc
est de nourrir une femme pour la rendre énorme, et les feedies, ces femmes qui se gavent jusqu'à exploser... «C'est dingue, s'amuse Velvet, on pourrait gagner de l'argent
rien qu'en tournant des films où l'on mangerait. On est une sorte de perversion, d'anormalité vivante...»
Depuis la rentrée, on peut voir son ventre rebelle et gras exposé sur les murs de Paris pour Avida. «On voulait quelqu'un de réellement imposant, raconte Benoît Delépine qui
cosigne le film avec Gustave Kerven. Elle a débarqué au petit matin dans un bureau des Champs-Elysées, et là, sur la moquette impersonnelle, s'est mise à chanter un air d'opéra. Tout s'est
mis à trembler. Elle était comme notre film : surréaliste.» L'équipe de Ruquier, qui fait un soir ses gorges chaudes de l'affiche («immonde !»), se récolte sur le Net une
révolte en bonne et due forme. Opération commando sur un plateau ? Vaste pétition ? Les forums s'enflamment. «On est des milliards de gros et on ne pèse rien, dit
Velvet. Les films où l'on parle de nous se comptent sur les doigts d'une main. Ben et Gus ont mis en avant un truc un peu provoc, mais
c'est déjà une victoire : on montre, on parle.»
Velvet n'a pas de cholestérol, pas de tension artérielle, ne fume pas, va à la piscine trois fois par semaine. «Il faut du courage quand on pèse 130 kg
pour aller se glisser dans un maillot moulant et sauter dans le bassin. Si tu vas dans un club de gym, tu es regardée et traitée comme une horreur, une intruse. Ce n'est pas la graisse que
j'essaie aujourd'hui d'éliminer mais les préjugés... Par exemple, toute l'année dernière, j'ai eu très mal au pied. J'ai vu six médecins. Sans prendre la peine de m'examiner, tous m'ont dit la
même chose : "Il faut perdre du poids." Je leur répondais : "OK, mais tout de même, regardez, c'est horrible je ne peux pas marcher..." Rien. Et puis, à New York, un médecin m'a
regardée, a demandé une IRM. Résultat : j'avais le pied tout tordu. En France, la plupart des gens n'arrivent pas à nous voir au-delà de notre obésité.» Alors qu'une étude publiée la
semaine passée montre que le nombre d'obèses progresse constamment dans l'Hexagone, le regard porté par la société sur les XXL lui semble bien peu évoluer.
«Une fois, en boîte, il y avait un couple qui se moquait clairement de nous pendant que nous dansions. Je me suis mise devant eux, la plus sexy
possible, me déshabillant à moitié jusqu'à les rendre totalement mal à l'aise...»
Pendant le tournage d'Avida, Velvet l'avait dit en déconnant à Benoît Delépine et Gustave Kervern : elle trouverait ça cool de monter les
marches à Cannes. Stupeur et hurlements le jour où ils l'appellent pour lui dire : «Velvet, on y va.» «Je n'ai jamais entendu un cri pareil dans le téléphone quelque chose d'énorme,
dit Delépine, un Yaahiihooooooo inimitable.»«J'ai mis ma robe bleue, si moulante et si douce, et, au milieu des marches han ! , j'ai commencé à balancer mes hanches.»
Sur la banquette en skaï du café de la place Clichy, elle joint le geste à la parole. Et son rire de gorge joyeux s'envole dans les froufrous de sa robe noire au vent déployée.
Debout les
grosses !
Velvet en six dates
_1967 : Naissance à Rochester, Etats-Unis
_1987 : Mannequin : à New York.
_1995 : Installation à Paris.
_2002 : Création de Kadavresky au Palais de Chaillot avec la compagnie Lionel Hoche. _
_2005 : Défilé John Galliano
_2006 : Sortie d'Avida, de Benoît Delépine et Gustave Kervern
Source LIBERATION
Avec VELVET et ses copines , serait ce la
fin des mannequins anorexiques ????
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je hais la télé-réalité mais je regarderais juste pour VELVET !!
quel lyrisme en ce début d'année !! en tout cas merci, c'est bien d'être le relais de ce genre de plaidoyer.
J'avoue, je ne connaissais pas Velvet; tant mieux qu'une telle personne soit sur le devant de la scène. Je ne suis ni totalitaire ni manichéen donc ne supporte pas le diktat de "l'anorexisme" et non pas parceque ce n'est pas mon goût esthétique.
Pour en revenir à Velvet, elle a de jolies formes mais je préfère les femmes plus mures (beaucoup !) et surtout plus naturelles (moins "sophistiquées"); mais les goûts et les couleurs ......
enfin bravo pour ce reportage, continue !!
Merci pour tes encouragements
jo et greg
Ouais comme tu dis "La grossse"(si je puis me permettre!?) dommage que ce soit dans des emissions au niveau si bas !!